Violences policières contre la presse

Depuis le mouvement contre la Loi Travail au Printemps 2016, les violences contre les manifestants de la part des forces l'ordre occasionnant des blessures (parfois gravissimes) par tirs de LBD 40, explosions de grenades assourdissantes ou de désencerclement, n'ont cessés de croître de manière exponentielle. Mais depuis quelque temps, les CRS, les Gendarmes mobiles, et les Brigades anti-criminalité (BAC) ciblent particulièrement journalistes et photographes, comme si notre présence dans les cortèges était indésirable.En quasiment un an de terrain, je peux m'estimer chanceuse... du moins ce fut le cas jusqu'à la soirée électorale du 7 mai 2017...

Nous sommes au soir du second tour de l'élection présidentielle 2017, Place du Bouffay à Nantes. Dans l'attente des résultats du scrutin, le mouvement "Nuit Debout" organise une assemblée débattant des luttes qu'il faudra mener lors du prochain quinquennat. Puis à 20 heures, le verdict tombe : Emmanuel Macron, le candidat d' "En Marche !", du libéralisme économique sera le huitième Président de la Vème République. 

Au bout d'une vingtaine de minutes, un cortège se forme et prend la direction de Commerce avant de bifurquer rue de la Pérousse en direction de la Place Royale où devait se tenir le point de rassemblement des Macronistes. Je me positionne entre la tête du cortège et un cordon de CRS qui bloquait l'accès à la place. Côté manifestants, les esprits s'échauffent, les chants antifa se font entendre de plus en plus fort. Alors que ces derniers évoluaient vers le square , les CRS ont lancé une série de grenades de désencerclement de manière offensive en direction du cortège sans aucune sommation, ni sans que ce dernier n'ait fait preuve d'action violente à leur égard.

Les projectiles commencèrent alors à voler en direction des forces de l'ordre qui avaient ouvert les hostilités. Etant prise entre deux feux, je me suis réfugiée avec un confrère dans le renfoncement d'une façade d'immeuble.Portant à ce moment précis mon casque estampillé "Presse", et mon appareil photo étant autour de mon cou, j'étais parfaitement identifiable comme photoreporter. Je me tourne en direction du cordon de CRS lorsque l'un d'entre eux regarde dans ma direction puis lance délibérément une grenade à mes pieds. Celle-ci explosa et je ressenti immédiatement une brûlure au niveau de mon tibia gauche et senti le sang couler.  Immédiatement, je me précipite derrière la ligne de CRS en pestant contre eux au passage avant que des collègues journalistes ne viennent à ma rescousse en m'allongeant à même le sol pour me faire un point de compression en attendant les secours que les flics ont refusé d'appeler. La blessure est conséquente avec un hématome et une plaie profonde de 4 centimètres par 4 qui m'a valu une ITT de 3 jours ; Je suis astreinte à des soins infirmiers journaliers jusqu'à cicatrisation complète. 

Cet énième récit tant à illustrer un durcissement répressif à notre égard. Amnesty International dans son rapport "France : Droit de manifester menacé" de 31 mai dresse le même constat alarmant et pointe les restrictions de ce droit fondamental de notre démocratie sous couvert d'Etat d'Urgence. Reporter Sans Frontières qui s'est déjà inquiété de ce climat délétère en France dans un document en date du 2 mai a le 7 juillet saisi le défenseur des droits, Jacques Toubon pour qu'il condamne ces exactions et examine le cas de dix journalistes (dont le mien) blessés pendant leur travail.

Dès le lendemain, j'ai déposé plainte auprès de l'IGPN de Rennes, sans trop me faire d'illusion. Au bout de sept mois, n'ayant pas de nouvelles de cette dernière, je me suis rendue au greffe du Tribunal de Nantes où j'eu la confirmation que ma plainte avait été classée sans suite par le Procureur de la République au motif que "ma blessure ne résultait pas d'une infraction". Cette décision a été rendue le 21 septembre soit trois mois plus tôt et le Tribunal n'a pas jugé utile de m'en avisé par courrier... preuve du manque de considération de la justice pour les victimes de violences policières. 


Je tenais à remercier du fond du coeur, Jean-Baptiste, Thibault et Jean-Sebastien de l'AFP qui m'ont porté assistance. J'ai également une pensée pour tous mes confrères ou les simples manifestants qui ont pu être atteints plus sérieusement que moi par ces armes redoutables. 

Evolution de ma blessure.

Using Format